La plus grande joie d´un victime d´injustice est de voir lever les supporteurs de droit de l´homme ; des gens qui disent non à leur domination. Le terrible évènement de la semaine dernière qui a vu mourir le fondateur de Charlie Hebdo et onze autres personnes en France sera peut-être parmi les évènements les plus marquants de l´année 2015. C´était un évènement qui visait à faire taire l´une des voix les plus critiques de notre temps. Un évènement que la génération future ne saura jamais ignorer. Ont-ils réussi, peut-on se demander, à faire taire ? Bien sûr que non ! Parce qu´en tuant ces gens, ils n´ont fait que faire naître des milliers d’autres Charlie. Et dès lors, «Je suis Charlie, Je suis Charlie» est devenu le nouveau slogan de tous ceux qui croient en la liberté d´expression.
De Paris à Montréal, de l´Élysée à la Maison Blanche, de l’Imam de la Mosqué centrale de Paris au Pape c´est la parole dans la bouche de Thom, Dick et Harry. C´est finalement le devis du journalisme et de la lutte anti-terrorisme. Et tout le monde est finalement devenu Charlie et donc moi aussi. Le problème est que je suis Charlie mais je ne savais pas que tous les Charlie n’étaient pas égaux. Je croyais qu’il suffisait d’être Charlie pour attirer l’attention du monde sur ma mort. Il ne m’est jamais paru aussi réel la citation de George Owen, « Tous les animaux sont égaux mais certains sont plus égaux que d’autres » jusqu’à la mort des autres Charlie français. Seulement en 2014, je suis mort au Nord du Nigeria pour plus de 3500 fois et plus des 200 de mes filles sont kidnappées sans que le monde ne convoque un sommet international sur le terrorisme. Pendant que douze Charlie mouraient en France, une autre foule de Charlie que jusqu’à aujourd’hui, personne ne nous donne leur vrai nombre, se faisaient abattre de sang-froid par les membres de Boko Haram à Baga, au Nord du Nigeria.
Le pire n’est peut-être pas que l’Occident convoque un sommet international sur le terrorisme pour la mort d’une dizaine de Charlie en France mais que, pendant que le Boko Haram me tue chaque jour au Nord du Nigeria, le Président et d’autres candidats à la présidence scionnent le pays en campagne électorale. Et ils continuent à promettre aux nigérians des fausse routes à construire, l’utopique paix à rétablir, la non-réalisable sécurité à assurer, les invisible écoles à bâtir, etc. pendant que je meurs. Même mes compatriotes à leur tour ne se soucient en rien de moi. Ce qui les intéressent c’est qui de leur tribu ou de leur religion sera le prochain président du Nigeria.
Comment ne serai-je pas Charlie quand je sais que les Présidents Africains savent aussi bien que leurs collègues occidentaux que le terrorisme est un mal à combattre ? Mais malgré que Je suis Charlie, la présence de six d’entre eux à la fameuse marche de solidarité suite la mort de douze Charlie à Paris me fait comprendre que si je naissais à Paris ou quelque part en occident, notre mort (Nous les Charlie du Nord du Nigeria), en milliers, seulement cette semaine, aurait attiré une foule de représentants du monde.
Je suis Charlie et je meurs chaque jour au Nord du Nigeria et même si personne n’en parle, je reste malheureusement toujours Charlie.
Ali C. Nnaemeka, omi (mekaalison@gmail.com)