Tiens! Tiens! tout souriant, elle disait en distribuant des images de l’Enfant Jésus de Prague. Un très beau cadeau, d’une innu-auass, aux participants à la messe de l’épiphanie. Mais peut-être pour l’apprécier, il serait mieux d’avoir déjà visité l’église d’Ekuanitshit. Si vous n’avez pas encore visité l’église de la communauté innue d’Ekuanitshit, vous manquez encore sur votre culture sur l’art religieux contemporain. Dans cette communauté innue, située à 192.4 km à l’est de Sept-Îles, se trouve une petite chapelle d’une apparence banale, mais dont l’intérieur a théologiquement une valeur et esthétiquement inestimable. Et, tous ceux qui ont eu la chance de la visiter ont affirmé avoir fait une expérience unique.
Cette église où la culture se marie bien avec la spiritualité est un lieu idéal pour découvrir comment l’évangile peut s’incarner et s’inculturer dans la vie et la culture d’un peuple. Et, cette inculturation s’exprime à plusieurs niveaux. Sa crèche de Noël est un de ces lieux de rencontre entre la spiritualité chrétienne et la spiritualité innue, l’art chrétien et l’art innu.
Aujourd’hui, lors la messe de l’épiphanie – « une fête chrétienne qui célèbre le Messie, venu et incarné dans le monde, qui reçoit la visite et l’hommage de mages ». Nous avons pu observer comment cette église de la communauté innue est un vrai lieu d’épiphanie. Les visiteurs, en entrant dans cette église, font toujours une magnifique découverte de la présence réelle d’un Dieu qui s’est incarné dans la culture, la spiritualité et la vie du peuple innu. Certaines personnes repartent non pas seulement réconfortées, mais réassurées de l’omniprésence du Christ.
C’était au cours de la célébration de l’épiphanie, qu’une innu-auass a décidé de nous faire dialoguer avec les personnages de notre village de Noël. Permettez-moi de vous dire qu’unique à son originalité, la communauté innue d’Ekuanitshit ne fait pas comme beaucoup d’autres églises qui achètent leurs personnages sur Amazon et d’autres plateformes de vente en ligne. Ici, la communauté fabrique ses propres personnages et s’assure que dans son village de Noël, on retrouve non pas seulement des personnages, mais aussi des outils traditionnels tels que teueikan (le tambour), ashamat (les raquettes), utapanashkᵘ/tetanakanashkᵘ (la tabagane/le traineau), uta (les canoës), kakatshitinak-puamuna (le capteur de rêves), innussin (le mocassin), et j’en passe.
La sienne n’est pas une crèche, mais un village de Noël fait à son image, selon sa culture et sa spiritualité. C’est l’expression de son amour de la beauté, la fierté de son identité, sa spiritualité et sa culture. C’est aussi la réactualisation de l’événement de la nativité de Jésus tel qu’elle l’a entendu de ses ancêtres et de ses missionnaires, et tel qu’il se révèle à elle dans les écritures.
Ce matin donc, lors de la célébration de l’épiphanie, innu-uassa décida de nous rappeler qu’à Noël Dieu se donne. Vêtue dans sa belle robe, elle passait d’un banc à l’autre pour faire le don de l’image de l’Enfant Jésus de Prague. Des yeux brillants comme un beau soleil d’hiver et avec un sourire radieux comme une brillante fleur d’hibiscus, elle rallumait notre désir de rencontrer le Christ. Et pendant que Isaïe dans la première lecture nous dît :
« Debout, Jérusalem resplendis !Elle est venue, ta lumièreEt la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. »
On voyait cette fillette rayonner comme cet avenir meilleur que le prophète nous promet. On la sentait aller un pas après l’autre vers notre village de Noël pour choisir quelques personnages innus, et d’autres animaux pour en donner aux participants, comme signe de l’épiphanie immédiate d’un Dieu qui s’est fait enfant pour naître à Jérusalem, — dans notre contexte, à la communauté d’Ekuanitshit.