Il me semble encore un vrai rêve.
Au début de cette semaine, avec les jeunes de l’école Kanatamat Tshitipentamunu de Matimekush-Lac John, j’ai exploré la place du rêve dans nos démarches pour rester résilient. Je débutais toujours en leur demandant s’ils se rappelaient encore leur dernier rêve. Étonnés, ils fouillaient dans leurs mémoires pour en retrouver un. Mais, comme ce n’était pas le type de rêve qui nous intéressait, on retournait sans perdre temps sur les rêves qui font l’objet de nos discussions. On prenait le temps pour examiner leurs rêves à court et long terme. Aujourd’hui, c’est mon tour de vous parler de mon rêve.
Si vous avez volé au-dessus de la forêt boréale, vous aurez déjà eu l’envie d’y atterrir pour fouler au pied ce territoire envoûtant. Et, quand ce ne sont pas ses myriades des lacs qui vous attirent, ce sont ses magnifiques épinettes noires. Mais, pour tant d’Innus et d’autres qui s’intéressent à leurs traditions ancestrales, ce ne sont pas aussi la beauté extérieure de ce territoire, mais plutôt la richesse culturelle du nitassinan Innu.
Après une visite éclair à nutshimit des innuat d’Ekuanitshit, j’ai commencé à rêver d’y retourner. Et à chaque fois que je survolais ce vaste territoire nordique, je m’imaginais marcher sur ces lacs sacrés. Et, comme dans un rêve, aujourd’hui, je me suis vu atterrir dans ce coin magique.
Au départ de Schefferville, le sentiment qui m‘habitait n‘était pas celui d’un passager aérien ordinaire, mais celui d’un pèlerin qui s’en allait vers un lieu sacré et historique. La vue était d’une beauté inouïe. Dans cette forêt boréale où les lacs se côtoient, quand on regarde, à partir d’un avion, on a l’impression de regarder un tableau d’une valeur inestimable. L’esthétique de ce lieu peut couper le souffle.
Mais plus on y avance, on croise la signature du capitalisme, car les vastes territoires inondés nous laissent sur nos soifs. Et, contrairement aux cicatrices qu’on admire avec honte sur le Nord du Golfe-Saint-Laurent, ici, c’est l’immense étendue d’eau déversée dans ce beau territoire qui fait pleurer les ancêtres de ce peuple nomade. On a l’impression de regarder un pot de peinture versée sur un tableau pittoresque.
Après un vol de 55 minutes, nous avons atterri dans ce lieu magique. Assis à côté du pilote, je regardais un lac endormi nous tendre la main. Ses bras ouverts, il semblait nous accorder sa bénédiction. Sans ombre ni trouble au visage, nous avons atterri sur un lac resplendissant. Et, autour de nous se voyaient les traces de la présence de nos braves chasseurs. Et, quand j’ai mis les pieds sur ce territoire du peuple innu, j’ai entonné un chant de mes ancêtres dans la foi : « Que tes œuvres sont belles, Seigneur », comble-nous de ta joie. Ainsi fut mon arrivée dans ce lieu mythique.