(Achuọ Aja ma Udele Anọghi Ya…)
Depuis que j’ai fait la connaissance de la spiritualité autochtone du Canada, je n’ai jamais cessé d’être émerveillé par la profondeur de l’expérience spirituelle de mes amis du nord. Au début, ce n’était pas du tout facile. Pourtant, grâce à mes expériences antérieures, je suis devenu très familier avec certains de leurs concepts spirituels. Ayant grandi dans une société qui, malgré son approche holistique à la vie et au sacré, s’est vue imposée une vision dualiste de la religion, j’avais eu du mal à les accepter.
D’ailleurs, la communauté dont le Christ lui-même a formé laissait l’espèce à tout le monde, « Car, disait-il à ses disciples, qui n’est pas contre nous, il est pour nous. » (Mc 9, 40). C’est cette forme du christianisme que les Innus m’ont réapprise. Ils m’ont rappelé la sacralité de l’expérience spirituelle de chaque peuple sur la terre. Une expérience qui ne cesse de se faire voir à différents lieux, niveaux et milieux au quotidien.
Ce matin, j’ai reçu un cadeau de Mme Ginette Pinette. C’est une veste traditionnelle innue. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que je reçois une telle veste, car quiconque connaît les Innus sait que la générosité leur est naturelle. Ce qui est particulier avec cette veste, c’est le dessein qui y est. J’ai déjà eu toute sorte de veste, mais jamais une qui me parle en plusieurs langues comme celle-ci.
En effet, derrière cette veste se trouve un grand aigle qui plane sur un vaste territoire. On dirait en plein automne avec ces belles couleurs comme des arbres (en feu) qui annonce le plein essor de l’automne et l’arrivée imminente de l’hiver.
Pour un nomade dont je crois que mon âme est devenue depuis que mon chemin s’est croisé avec les Innus c’est le signe d’un temps de renouveau et d’une nostalgie créatrice. Un temps où l’été, a décidément pris son congé, mais que l’hiver tarde encore à venir. On y voit Mitshishu — le roi de l’air, y planer paisiblement, comme s’il est en train de repérer les signes de la vie au cœur de Nitassinan. C’est aussi ainsi que, parfois, en nomade, mon âme survole l’étendue du monde intellectuel en recherche des signes de vie, des âmes sœurs, et des expériences spirituelles. C’est alors un cadeau qui me rejoigne à plusieurs niveaux ; un pont qui me relie avec mes deux peuples — Igbo et Innu, mes deux spiritualités : chrétiennes et traditionnelles.
Ce cadeau me rappelle donc un adage de mon peuple Igbo — achuọ aja ma udele anọghi ya i mara na ihe mere n’ala ndi muọ – Lorsqu’un sacrifice est offert et que le vautour est absent, alors il y a un problème dans le monde des esprits. Ainsi, une quête spirituelle sans la vigilance de l’aigle est vouée à l’échec. C’est donc avec cette conviction qu’au début de l’année qui s’en vient, je retournerai à la capitale canadienne avec cette veste, sachant que dans mon errance intellectuelle, je volerai sur les ailes de l’aigle.