Je ne saurais vous dire si c’était l’entrée du père Noël ou l’exécution du chant « J’ai un amour qui ne veut pas mourir » de Renée Martel par Mme Desneiges McKenzie qui a été l’apogée de la fête des aînés de Matimekush-Lac John cette année. Peut-être que vous me le direz à la fin de ce texte. Le 28 décembre 2020, comme chaque année, la communauté de Matimekush-Lac a pris un temps pour remercier les aîné(e)s pour leur grand rôle dans l’organisation de la communauté. C’est toujours l’un des évènements qui rend le temps de Noël très agréable.
Cette année, à cause de la pandémie, on se demandait s’il fallait le tenir. Et après quelques consultations, on est arrivé à un consensus selon lequel il sera contreproductif de ne pas vivre l’une des célébrations qui graduellement est en train de devenir une tradition dans nos communautés. Nous avons tenu cet événement en tenant compte des conseils de la santé publique, surtout en relation avec notre milieu qui jusque-là continue à être épargné de ce virus qui nous terrorise. Ainsi, tout de suite, et avec une dextérité propre à cette ville du Nord tout le monde, sans hésitation, a mis la main à la pâte pour faciliter cette soirée historico-culturelle.
Et sans tambour ni trompette, quelques membres de la communauté se sont mis à cuisiner des repas traditionnels : atiku-auiash (la viande de caribou) uiash-tepateu (les tourtières), pineu-nashup (de la soupe à la perdrix), kukumess (la truite grise), atiku-pimi (la graisse de caribou), Innu-pakueshikan (la banique), etc. Il y en avait tant de nourriture qu’on se demandait si on avait cuisiné pour toute la communauté. Mais pour celui qui connaît la place qu’occupent les aîné(e)s dans nos communautés, c’était évident qu’il valait mieux avoir trop de nourriture que d’inviter des aînés et les laisser rentrer affamés.
Très tôt, notre incontournable François était venu avec son amoureux Tshutshet pour arranger la salle où nos hôtes seront accueillis. Les tables étaient bien placées, les nappes de Noël bien installées, et la musique de Noël, au fond de la salle, se faisait entendre comme si Santa faisait déjà son chemin de retour vers le nord.
L’un après l’autre, nos aîné(e)s se sont pointés avec leur sourire charmant et leur pas traînant, mais sûr d’être dans le territoire de leurs ancêtres. Et la salle étant à côté de l’église, ils entraient avec une révérence due à leur grande nombre d’année de pratique religieuse.
Progressivement, la salle s’est remplie de nos invités, et la soirée a été déclarer ouverte par le chef de la communauté, M. Réal McKenzie. Avec une voix rassurante et son éloquence persuasive, il remercia les aîné(e)s d’avoir honoré l’invitation, et, aussi pour leur rôle dans la communauté. Ensuite, il y eut la prière d’ouverture et de bénédiction du repas. Et, comme si les plats de nourritures étaient déjà tannés d’attendre, elles se sont vues soigneusement alignées dans les assiettes et selon le goût de chaque participant.
Ce rite très antique s’est déroulé religieusement avec la possibilité de faire un deuxième voyage pour ceux qui avaient plus d’appétits ou qui voulaient déguster un petit peu plus d’un menu ou l’autres. C’était, sans le répéter, délicieux !
Une fois que nous avons terminé avec le repas, les tables sont rapidement disparues faisant place à un auditorium de fortune presque parfait. C’était dans un demi-cercle donnant une préséance au père Noël et ses cadeaux.
Et, comme le père Noël était de bonne humeur, il présenta à chaque aîné(e) un cadeau spécial. Toutefois, au Nord, le père Noël étant proche de sa maison, il prenait plaisir à demander une condition particulière à chaque aîné qui se présentait pour recevoir son cadeau de Noël. Il leur fallait exécuter quelques pas de danse avec lui. C’était un point important de notre soirée.
Il fallait absolument y assister, car c’était une occasion de mieux comprendre que même pas l’âge avancé de ces ainés pouvait leur dérober leur capacité de maîtriser la piste de danse. Et, ceux à qui il manquait l’agilité se distinguaient par leur volonté impressionnante de vouloir gambiller. Cette soirée a permis aux ainé(e)s de faire un superbe exercice, ainsi joignant l’utile à l’agréable. Et, quant au père Noël, il aurait brûlé une grande partie du sucre qu’il a pu accumuler en distribuant généreusement ses chocolats et ses bonbons de grand-père.
Mais, avant de terminer notre soirée, il a fallu révéler quelques talents cachés de nos aîné(e)s. En un petit pas très sûr s’est avancé une de nos aîné(e)s à qui le Créateur a pris autant de plaisir à bénir. Ayant la difficulté à bien voir elle a su exploiter au maximum la charme de sa voix. D’abord, en l’écoutant s’éclater de rire on a l’impression d’être devant une demoiselle à fleur de son âge. Et quand elle a pris sa place au centre de notre auditorium de fortune, on voyait les visages de chaque aînée se révéler comme un soleil d’été indien. Tous le savaient que même pas les dents qui semblent avoir pris congé de sa bouche ne peuvent pas l’empêcher d’épater son audience. Toute souriante, elle entonna donc la fameuse « tune » de René Martèle, « J’ai un amour qui ne veut pas mourir ! »