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orsque Jesuthoustra a atteint ses trente années, il quitta sa vie privée et l’atelier de son père et s’en alla au Lac Jourdain. Là il rencontra un monsieur vêtu d’un vêtement de poils de chameau et avec une ceinture du cuir au rein, et qui se nourrissait de sauterelles et du miel sauvage. Là il se fit baptiser, presque contre la volonté de celui qui s’appelait la voix qui crie au désert, – comme s’il en avait besoin – avant d’être catapulté au désert. Il y demeura quarante jours et quarante nuits où il resta avec des bêtes sauvages et fut servi par les anges. Cependant, il ne mangea rien durant ces jours-là, et, après qu’ils furent écoulés, il eut faim. Et enfin, son temps arriva – et un matin, se levant avec l’aurore, l’adversaire de ses frères s’est présenté devant lui et lui parla ainsi :
«Ô grand maître, toi qui es dit Fils bien-aimé de Dieu et en qui sont père a mis son affection. Qu’est-ce que tu désireras avoir pour accomplir quelques petites tâches que je te présenterai ?
Depuis quarante jours et quarante nuits tu as été abandonné ici, au milieu des bêtes sauvages et ces êtres dits Anges, pourtant tu as été présenté par Jean comme celui qui supprime (canceller) les péchés du Monde. Voilà ! Je suis plein de pitié pour toi, pauvre Jesuthoustra. Vu que tu as été abandonné par ton père, je vais devoir t’aider. J’aurais te donner à manger et à boire (toi qui aimait manger et boire) jusqu’à ce que tu sois emporté par l’ivresse et rassasié de bon repas, mais comme tu te dis Fils de Dieu, ordonne à cette pierre qu’elle devienne du pain».
E même fatigué qu’il a été, il lui jeta un regard de pitié et puis, lui dit : Il est écrit : «L’Homme ne vivra pas de pain seulement».
Se sentant défié, il se prépara à lui proposer une autre tâche à accomplir. Allons, dit-il à Jesuthoustra, sur la Montagne comme tu aimais faire à chaque fois que tu as eu l’idée bizarre de communiquer avec celui qui se dit ton père.
Arriva au sommet, il lui montra en un instant tous les royaumes de la terre, et puis il lui dit : «Je te donnerai toute cette puissance, et la gloire de ces royaumes ; car elle m’a été donnée, et je la donne à qui je veux. Si donc tu te prosternes devant moi, elle sera toute à toi. Béni sera-tu, et le reflet de ta joie sera débordant car avec ma bénédiction tu apporteras partout le reflet de ta gloire».
Mais Jesuthoustra ne se laissant pas emporter par toute ces gloires, lui répliqua : «Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul».
Sans fléchir, l’adversaire de ses frères lui adressa la parole encore : «si tu es Fils de Dieu, jette-toi d’ici en bas ; car il est écrit : Il donnera des ordres à ses anges à ton sujet, afin qu’ils te gardent et : Ils te porteront sur les mains, de peur que ton pied ne heurte contre une pierre».
Épris d’une plus grande pitié, Jesuthoustra lui répondit : «Il est dit, tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu». Et après l’avoir tenté de toutes ces manières, l’adversaire de ses frères s’éloigna de lui jusqu’à un moment favorable.
Et Jesuthoustra pria : «Vois ! Père, si tu voulais éloigner de moi cette coupe ! Toutefois, que ma volonté ne se fasse pas, mais la tienne car c’est pour cela qu’est venu Jesuthoustra».
Ainsi commença la glorification de Jesuthoustra.