Nous saluons le post du centre Apha Lira visant à souligner le Mois de l’Histoire des Noirs. Rappeler que le mois de février est dédié à l’Histoire des Noirs constitue en soi une initiative que nous appuyons et une attention que nous encourageons sans réserve. Pour autant, nous ne pouvons pas passer sous silence les ombres que le message jette sur cette intention fort louable. En effet, aussi bien le texte que la photo qui l’accompagne suscitent un malaise. La bonne intention du centre n’est pas en cause, mais ce sont plutôt les conséquences de ce message qui appellent la présente réaction.
À cet effet, il convient de partir de l’origine de la commémoration de l’histoire des noirs. En 1995, lorsqu’à l’initiative de l’honorable Jean Augustine, la Chambre des communes du Canada adoptait la motion visant à célébrer le Mois de l’Histoire des Noirs au Canada l’objectif était clairement défini: souligner la contribution des personnes noires dans la société canadienne. À cet effet, la députée Jean Augustine indiquait : « J’étais une éducatrice […] En faisant mes cours, j’ai constaté que les programmes d’études mentionnaient très peu de choses sur les Canadiens et les Canadiennes d’origine africaine. C’était le même problème pour les peuples autochtones. S’il y avait une référence, elle était dans une note en bas de page ou en marge. Les Canadiennes et les Canadiens noirs ne figuraient pas dans le scénario et on ne les montrait pas comme des personnes contribuant à la société canadienne. »[i]
Ce mois est donc l’occasion de célébrer et faire connaitre la contribution des personnes noires, depuis des siècles, à la vie de notre pays tant culturelle, économique, politique, spirituelle, académique, etc. Cette célébration est d’autant plus importante que les pages d’histoire dans nos écoles et les médias ne font pas une grande place à cet apport. Peu d’entre nous savons par exemple que Mathieu Da Costa a participé à l’établissement de la colonie en Nouvelle France déjà en 1606 grâce à ses qualités d’interprète entre les français et les Premières Nations; qu’à partir de 1897, beaucoup des noirs étaient déjà engagés par le Chemin de fer de Montréal; que dès 1902, les femmes noires du Canada se s’organisaient pour se soutenir mutuellement dans leurs luttes quotidiennes; qu’en 1925, Charles Humphry Este était déjà une figure importante dans les milieux religieux montréalais; qu’en 1968, les éducateurs noirs de Québec ont créé leur propre commission scolaire pour favoriser la scolarisation des jeunes noires. De nombreuses autres figures peuvent être évoquées.
Plus près de nous dans le temps et l’espace, on peut remarquer que ces dernières années, la Côte-Nord accueille plusieurs personnes d’origine africaine ou afro descendantes. La contribution de ces personnes à l’histoire de la Côte-Nord qui s’écrit aujourd’hui demeure peu et mal connue. En conséquence, elle reste peu et mal présentée. Les occasions qui se présentent passent sans que la région ne prenne véritablement conscience de la place de la communauté noire en son sein. Les personnes noires semblent être des minorités visibles à la contribution peut visible, voire invisible.
Plus près de nous dans le temps et l’espace, on peut remarquer que ces dernières années, la Côte-Nord accueille plusieurs personnes d’origine africaine ou afro descendantes. La contribution de ces personnes à l’histoire de la Côte-Nord qui s’écrit aujourd’hui demeure peu et mal connue. En conséquence, elle reste peu et mal présentée. Les occasions qui se présentent passent sans que la région ne prenne véritablement conscience de la place de la communauté noire en son sein. Les personnes noires semblent être des minorités visibles à la contribution peut visible, voire invisible.
Certes, nul ne peut ignorer les efforts déployés par des groupes tels que l’Amicale Interculturelle de Sept-Îles (AMIS), Intégration et Interculturalité Côte-Nord, ou encore Alpha Lira. Grâce à leur travail, ces organismes créent et offrent à la communauté nord-côtière de précieux espaces pour promouvoir la connaissance mutuelle entre tous les nord-côtiers qu’ils soient autochtones, allochtones, immigrants etc. Il est fort heureux qu’il en soit ainsi, et nous soutenons ces efforts.
C’est dans cet esprit que s’inscrivent nos observations sur le post Facebook du Centre Alpha Lira sur le Mois de l’Histoire des Noirs daté du 06 février 2021. Les mots choisis réduisent la contribution des personnes noires à la richesse culturelle qu’elles apportent au Québec « à travers la nourriture, la musique, le cinéma, la littérature etc. ». Bien que fiers de cet apport, l’honnêteté et la confiance envers vous nous poussent à dire qu’une telle présentation est partielle et a pour effet de maintenir un stéréotype qui n’a plus lieu d’être en 2021. Les lecteurs pressés – et nous le sommes quasiment tous sur les médias sociaux – risquent de ne retenir qu’une chose : l’apport des noirs à la vie de notre communauté n’est que culturelle, voire folklorique. Et pourtant, de Tadoussac à Blanc-Sablon, les personnes noires participent activement – avec les autres membres de notre communauté nord-côtière – à la vie de notre région dans des secteurs variés. Nous pouvons citer la santé ou la présence de noirs dans les activités de gestion, de soutien administratif et technique, de prévention, d’administration des soins et d’entretien est notable. Il en est de même dans l’éducation tant primaire, secondaire que post-secondaire. On pourrait allonger la liste dans d’autres secteurs tel le domaine économique, associatif etc.
Le choix de la photo pour accompagner le texte a suscité quelque perplexité auprès de certaines personnes noires de Sept-Îles. L’idée d’une main tendue, et sale de l’avis de nombreuses personnes, n’est pas du tout d’heureuse évocation, en particulier en cette période de pandémie. Alors que certains y voient une image d’esclavage, d’autres pensent qu’elle crée un malaise d’ordre historico-anthropologique. Au-delà du fait que la photo choisie trahit une méconnaissance de la sensibilité d’un nombre significatif des personnes noires, le message envoyé s’écarte de l’objectif de souligner la contribution plurielle des noirs à la vie de notre pays en général et de notre région en particulier. Sans intention de nuire ni de dénigrer les noirs, ce message est passé à côté d’un aspect important qu’il était censé promouvoir.
Le choix de la photo pour accompagner le texte a suscité quelque perplexité auprès de certaines personnes noires de Sept-Îles. L’idée d’une main tendue, et sale de l’avis de nombreuses personnes, n’est pas du tout d’heureuse évocation, en particulier en cette période de pandémie. Alors que certains y voient une image d’esclavage, d’autres pensent qu’elle crée un malaise d’ordre historico-anthropologique. Au-delà du fait que la photo choisie trahit une méconnaissance de la sensibilité d’un nombre significatif des personnes noires, le message envoyé s’écarte de l’objectif de souligner la contribution plurielle des noirs à la vie de notre pays en général et de notre région en particulier. Sans intention de nuire ni de dénigrer les noirs, ce message est passé à côté d’un aspect important qu’il était censé promouvoir.
Le Mois de l’Histoire des Noirs vient nous rappeler que la (re)présentation des personnes noires dans notre narratif est un point d’amélioration. Pour ce faire, il est indispensable d’éviter les présentations réductrices, autant qu’il nous faut approfondir cette histoire commune qui n’a jamais pu s’écrire, dès les origines, sans apports significatifs mais méconnus des noirs. Ce mois devrait aussi nous rappeler qu’une histoire s’écrit aujourd’hui dans ce coin de pays avec des noirs qui seraient heureux de mieux faire connaitre ce qu’ils sont : héritiers d’un passé méconnu et artisan d’un présent pur un futur dans lequel la marge historique qui éloigne les personnes racisées et les autochtones de l’agora de notre ville sera sans cesse réduite. C’est bien un défi, mais tirons parti de ce mois pour jeter les bases de la construction de la Côte-nord de demain, riche de ses particularismes et du désir de tous de mieux vivre ensemble ici.
[i] “Mois de l’Histoire des Noirs au Canada”. L’Encyclopédie Canadienne, 12 février 2019, Historica Canada. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/mois-de-l-histoire-des-noirs-au-canada. Date consultée: 06 février 2021.