Le Premier ministre du Canada s’est fait rattraper par ses années de jeunesse. Dans moins de deux jours, les médias ont déterré deux de ses photos et une vidéo où il s’était déguisé en personne de couleur. Dans chacune de ces occasions, le Premier Ministre était dans un évènement particulier. Ces découvertes ont créé une occasion pour tout le monde de réveiller la défense de minorité culturelle en eux.
Évidemment, ces photos soulignent une certaine ambiguïté dans les propos de Justin Trudeau par rapport aux communautés culturelles et les réactions des gens aussi démontrent la conscience sociale de la société canadienne face aux questions de la race. Je m’explique ! Le Premier ministre, qu’on le veuille ou pas, est à sa manière un champion canadien de diversité et tout son discours politique s’est construit autour de cet enjeu politique. Or ces photos semblent lui donner tort, car elles démontrent une certaine incohérence dans ses propos. Mais sans se précipiter à le déclarer raciste, comme certains politiciens incitent la population à le faire, le Premier Ministre est toutefois appelé non seulement à faire un mea culpa (une de ses capacités politiques, je dirais), mais aussi à questionner réellement ses dires et ses faires.
Déjà, il a perdu assez de crédibilité face aux autochtones et surtout face aux femmes autochtones. Or cette dernière gaffe, sans qu’elle soit la dernière goutte qui fait déborder le vase devrait rappeler au Premier ministre la possibilité de se redresser s’il compte continuer de jouir de quelques admirations que les communautés culturelles ont encore envers lui. Il devrait donc cesser de jouer au bon politicien et apprendre en être un. Il devrais peut-être accepter qu’il a donné plus d’espoir aux communautés culturelles et des marginaux qu’il est en mesure d’accomplir.
Mais la réaction des gens peut aussi être le signe que la sensibilité de la population face aux questions de racisme et la situation des communautés culturelles au Canada est en bonne place. C’est le signe que l’heure soit sonnée quand on ne peut plus se permettre de jouer au bon noir ou au cowboy indien sans se poser de questions de ce que l’avenir en dirait. Cette révélation aurait au moins créé un précédent dans plusieurs réalités culturelles et probablement par rapport aux groupes minoritaires au Canada. Le débat refera possiblement face au temps d’Halloween.
Toutefois, il me semble que ce ne sont pas tous ceux qui cherchent à combattre Monsieur Trudeau dans cette situation qui sont des vrais amis des communautés culturelles. Il faudrait donc se méfier des loups qui instrumentaliseront cette situation pour une fin politique. On ne devient pas d’un jour à l’autre un ami et défenseur des communautés culturelles et racisées justement grâce à l’erreur d’un autre. Je dirais même que le diable qu’on connait est souvent mieux qu’un ange inconnu.
En plus, il faudrait peut-être plutôt profiter de cette occasion pour se poser quelques questions socioculturelles. Beaucoup de ceux qui prétendent défendre des communautés culturelles et racisées dans ce cas ne l’ont pas fait pendant que ces communautés se battaient pour se faire entendre sur les questions de Slav et Kanata. Pourquoi donc, tout d’un coup, ils se sont transformés en défenseurs des groupes marginalisés ? Y a-t-il assez de preuves pour croire que ce réveil est lié à l’ouverture de notre société à la question raciale ? Je ne parierai pas sur cela. Oui, il faut défendre les marginaux, mais au profit de qui ? C’est peut-être ce qu’il faut demander à ceux qui réclament la tête de monsieur Trudeau.
Autre malaise que cette question souligne et que je trouve encore plus grave c’est le jeu entre le blackface et le brownface. Les médias étrangers préfèrent l’usage de blackface alors que beaucoup de médias canadiens utilisent plus tôt le brownface. Ce choix de mot suscite aussi en moi une autre question sociologique. Pourquoi au Canada on a peur de parler de blackface ? On peut spéculer comme on le voudrait, mais il y a assez d’indices pour croire que c’est parce qu’on voudrait condamner M. Trudeau sans traiter la société canadienne de raciste. C’est même ici que la question d’instrumentalisation devient capitale, car on sait que si on parle de blackface, ce sera plus la question raciale et moins la question politique. Et certaines personnes chercheront à défendre la société au profit de M. Trudeau alors que si on parle de brownface, ils auront plus de sympathisants et les autres candidats d’origine culturelle diverse se sentiront visés par ses actes.
Donc, est-ce que Justin Trudeau avait commis des actes condamnables en se maquillant en personnes de couleur ? Oui! Et c’est sans doute très pathétique. Mais est-ce qu’il est vraiment raciste ? Je n’y crois pas et personne ne peut me le faire croire. Inutile donc de draguer des personnes noires, des communautés culturelles et racisées dans cette récupération politique.