Frères et sœurs, permettez-moi de vous raconter ce qui m’a habité pendant que nous célébrions la messe de la résurrection d’aujourd’hui. C’est le danger du récit singulier d’un tombeau vide. Le récit de la résurrection de Jésus devient problématique lorsque le récit des tombeaux vides (pluriels) est transformé au récit d’un seul tombeau vide.
Nous avons l’habitude de célébrer la triomphe de Jésus sur la mort, mais contre toute attente, nous avons fini par inventer un récit singulier du tombeau vide.
Par exemple, lorsque vous pensez au tombeau vide de Jésus, est-ce qu’il vous arrive de penser aussi à d’autres tombeaux qu’il a vidés avant même de nous montrer le sien ? Le récit singulier du tombeau vide de Jésus, il me semble, nous empêche de voir d’autres tombeaux qu’il a tenu de vider avant même de nous montrer le sien.
Déjà le soir de son décès, il avait promis au bon larron de ne pas le laisser dans son tombeau. — “Je te le dis en vérité, aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis.” Luc 23,43. Voici le premier signe d’autres tombeaux vide de Pâques.
Et, à sa mort, nous dit Matthieu, « les tombes s’ouvrirent : les corps de nombreux saints qui étaient morts furent relevés » Matt. 27, 52. Ici aussi, nous voyons d’autres tombeaux qui se sont vidés même avant la résurrection du Jésus.
Enfin, à sa mort, nous indique le credo, il est descendu aux enfers où « il est allé prêcher aux esprits en prison » 1 Pierre 3,18-22. Demandez-vous, parfois, pourquoi le Christ est descendu aux enfers avant même sa propre résurrection ?
Pour une raison que j’ignore, nous avons privilégié le récit singulier d’un seul tombeau vide au détriment des autres. Nous sommes tous d’accord que c’est le récit central de Pâques, mais ce choix a une implication qui met en danger l’objectif même de la résurrection. En effet, le récit singulier va à l’encontre même de l’incarnation. Il réduit l’incarnation à un acte narcissique d’un Dieu qui veut démontrer sa force pour prouver sa supériorité. Or, la force du tombeau vide n’est pas dans la “vidité” du tombeau, mais dans la suite de ce que cela préfigure.
Parmi les conséquences immédiates du récit singulier du tombeau vide est le fait même que nous nous contentons de célébrer ce tombeau vide en négligeant les autres tombeaux qui sont aujourd’hui remplis de corps de nos frères et sœurs oubliés. Nous nous accommodions à faire la mémoire de sa résurrection en oubliant que la résurrection n’est pas figée dans le temps.
Faire la mémoire, en effet, c’est “faire ceci en mémoire de moi”. C’est devenir Alter Christi, libérer ceux qui sont enchaînés, pardonner ceux qui nous avons enchaîné dans la haine. C’est aussi devenir ses yeux pour voir les prisonniers qui soupire dans l’ombre de la mort.
À cause de ce récit singulier, nous avons aujourd’hui figé le christianisme dans le temps. Il est devenu un musée des saints et des martyrs au lieu de communauté des pêcheurs qui cherchent Dieu. Il n’est plus une église militante qui souffre avec les membres du corps du Christ meurtris par la guerre et l’injustice, il n’entend plus le cri des opprimés et des pauvres.
D’ailleurs, le Christ est devenu, aujourd’hui, le signe de la mort au lieu d’être le signe de la vie éternelle. Il est oublié dans le tombeau alors que nous adorons, dans notre imagination, un tombeau que nous avons vidé. N’oublions pas que le Christ n’est pas un Dieu d’une religion ou d’une nation. C’est le Fils de Dieu. Ainsi, il n’est pas mort pour des Chrétiens, mais pour le monde entier. Sa résurrection n’est pas non plus une affaire du passé.
C’est la preuve même que nous pouvons aussi ressusciter de nos sommeils dogmatiques. Certes, Dieu nous veut tous libres : blancs, noirs, rouges et jeunes. Il n’est pas un personnage historique qu’on peut encastrer dans un seul milieu ou temps. Le Christ est l’incarnation du Dieu de nos pères et nos ancêtres. Il n’est, ni le Dieu des missionnaires, ni le Dieu des occidentaux. C’est l’image d’un Dieu invisible qui s’est révélé à toutes les nations et à maintes manières. C’est le visage de celui qui a inspiré les sages de nos différentes nations et cultures.
Que le Christ ressuscité ouvre nos tombeaux de paresse, d’obsession, d’oppression, de consommation ! Qu’il nous délivre de notre esprit de division, de haine, de jalousie et calomnie !
Il est ressuscité, soyons ses mains pour briser toutes les chaînes qui empêchent nos frères et sœurs de se relever.
Joyeuses Pâques !
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