Les circonstances dramatiques du décès de Joyce Echaquan nous ont profondément choqués. La présence de Missionnaires Oblats dans des dizaines de communautés autochtones d’un océan à l’autre durant plus de 170 ans nous a mis à l’écoute de leur combat incessant pour le respect de leurs droits à l’existence et à la différence culturelle. C’est ce qui nous amène à intervenir dans la crise actuelle, à la fois pour interpeller les décideurs et renouveler notre propre engagement.
NOUS DÉPLORONS :
1. L’attitude et les politiques coloniales adoptées par les Européens (surtout après 1760) en s’emparant des territoires occupés depuis des millénaires par les premiers habitants;
2. Le caractère nettement discriminatoire de plusieurs mesures imposées aux indigènes, dans le but avoué de les assimiler et parfois de les exterminer;
3. Les préjugés sociaux et les comportements racistes qui perdurent dans nos institutions et services publics et dans la population en général à l’endroit des autochtones et des minorités visibles;
4. Nous reconnaissons notre propre attitude colonisatrice, en maints endroits, en collaborant à un système gouvernemental qui enlevait des enfants à leur famille et leur culture dès leur bas âge, et entretenait le préjugé que notre approche éducative et spirituelle était en tous points supérieure à celle de ces peuples;
5. En conséquence, nous réitérons la demande de pardon faite publiquement en Alberta en 1991 et celles exprimées à Montréal en 2013 et au Cap-de-la- Madeleine en 2018 pour notre part de responsabilité dans les souffrances infligées aux jeunes et aux familles, et surtout pour les abus sexuels commis par quelques Oblats dans les communautés.
NOUS CÉLÉBRONS :
Nos années de vie au sein des communautés nous ont permis d’apprécier 1. la force exceptionnelle de résilience de ces populations;
2. la profondeur et vivacité de leur foi;
3. leur détermination grandissante de se tenir debout pour leur dignité personnelle et pour être reconnus et traités comme Nations;
4. leurcontributionuniqueàlasauvegardedel’environnement;
5. le courage des témoins authentiques dans les diverses enquêtes concernant les viols, violences, disparitions;
6. le style collégial de leur leadership traditionnel.
NOUS ESPÉRONS ET DEMANDONS :
1. que soit reconnu par les autorités civiles le caractère systémique du racisme dans nos institutions, à l’égard des autochtones;
2. Que des mesures concrètes soient prises pour donner suite aux recommandations des diverses Commissions d’enquête; c’est le moment de passer à l’action plutôt qu’à de nouvelles études;
3. Qu’un document soit présenté par les évêques du Canada sur l’ensemble des rapports avec les communautés autochtones, relevant à la fois les démarches déjà fructueuses et les étapes à entreprendre pour progresser vers la réconciliation et communion souhaitées de part et d’autre;
4. Que soit promue la diffusion du « Plan d’action de l’Assemblée des Premières Nation du Québec et Labrador sur le racisme et la discrimination ». Un outil d’éducation précieux.
NOUS NOUS ENGAGEONS COMME MISSIONNAIRES OBLATS :
Conscients que cette transformation des rapports entre cultures requiert une conversion et une compromission de toutes les unités en présence, nous choisissons d’y investir les forces créatives dont nous disposons :
1. À travers notre présence sur le terrain: Nous choisissons de servir comme des alliés des communautés avec lesquelles nous vivons, chez les Innus de la Côte Nord du Saint Laurent. Pour ce ministère de proximité, nous avons fait appel à des confrères d’Afrique, dont l’expérience est celle d’être eux-mêmes des autochtones, ce qui facilite la compréhension et le rapprochement. Un autre atout est l’apprentissage de la langue du peuple, en fidélité à l’option de notre Fondateur de s’adresser à la classe ouvrière de Provence dans le dialecte provençal plutôt qu’en français classique.
2. À travers le Centre oblat «Une voix pour la Justice»:
Ce centre bilingue créé en 2019 par les Oblats du Canada est voué tout particulièrement à l’éducation et l’action en vue de la réconciliation, en collaboration avec des communautés autochtones, d’autres congrégations et les organismes civils. Il est situé à l’Université Saint-Paul à Ottawa.
3. Par les ateliers «Retour à l’Esprit»:
Cette démarche d’animation initiée dans l’Ouest Canadien par un évêque oblat, un algonquin pédagogue et une religieuse, dans un but de réconciliation avec soi et avec d’autres cultures, a déjà rejoint plus de 3,000 Autochtones et Blancs, d’un océan à l’autre et jusque dans les Territoires du Nord-Ouest. Elle se propage présentement au Québec par le ministère d’un Oblat accrédité par la communauté autochtone où il a vécu une longue démarche d’initiation culturelle et spirituelle.
4. Par les rassemblements au Sanctuaire Notre Dame-du-Cap : Deux grandes Rencontres Autochtones en 2017 et 2018 ont permis des échanges entre 150 membres de 4 Nations et une centaine d’Allochtones, première étape sur un long chemin de compréhension mutuelle et de ponts à bâtir. L’oncle de Joyce, Roger Echaquan, nous y a guidés dans la prière autour du feu sacré.
 la demande de familles de Manawan, une célébration en mémoire de Joyce aura lieu dans la Basilique au printemps 2021, pouvant rassembler des centaines d’Atikamekws ainsi que les organismes qui soutiennent leur démarche citoyenne. Et déjà, le 12 décembre prochain, en la fête de la Vierge Marie apparue à un autochtone, Juan Diego, à Guadalupe au Mexique, nous vivrons cette journée en solidarité avec les Premières Nations.
Par ces engagements concrets, nous voulons rendre grâces pour les liens d’amitié tissés au fil du temps, travailler à la réparation des erreurs du passé et à l’avènement de ce monde de fraternité auquel nous appelle le Créateur de tous les peuples de la Terre.
— Le 4 novembre 2020 par le Conseil Provincial et le Comité Justice, Paix, Intégrité de la Création
Contacts :
Luc Tardif, provincial, luctardif@videotron.ca
Nnaemeka Ali, OMI – Black and Missionary, mekaalison@yahoo.com
Photo: Ernest Aness Dominique